Céline Weissier – Les mots à la page

Isabelle, confiturière terrienne « made in Oise »

Portrait d'Isabelle, confiturière made in Oise !

Amoureuse des fruits de saison – Tisse des liens simples et sincères – Femme en quête d’authenticité –

Isabelle met la nature en pots et cela lui donne le sourire !

Dans sa réserve, sur des étagères en bois, des préparations de toutes les couleurs habillent l’espace, tantôt rouges, jaunes, rosées, brunes, selon les recettes et les fruits utilisés, dans un éternel réagencement visuel. Ici, le ballet des saisons est orchestré par les récoltes du moment, le pourpre du cassis chassant le vert de la rhubarbe, dans un chassé-croisé des plus sage...

Depuis 2018, après un CAP Pâtisserie, Isabelle Gicquel, la cinquantaine, s’est engagée dans un projet à son image, alliant simplicité et créativité. En pleine Oise normande, dans son atelier de confitures artisanales situé à Silly-Tillard, elle n’utilise ni additifs, ni colorants, ni conservateurs, et prépare des confitures uniques, aux saveurs fruitées et authentiques, respectant la sucrosité naturelle des fruits et leurs différentes textures.


Un pari pour celle qui rêvait, depuis son bureau de secrétaire médicale, à vivre de sa passion pour le goût, des savoir-faire culinaires, des jolies traditions, attentive aux évolutions du monde, le souhait de tisser son fil, entre terre, gestes du confiseur et gourmands de tous les âges. 

L’Autre Saison, nom qu’elle donne à sa marque, « car c’était une évidence », clin d’œil à Dame nature, c’est en filigrane l’amour des produits, des recettes simples et fraternelles, tel un bon plat qu’on partagerait sans fin : « […] j’apprécie les plats simples, un peu terroir, je n’aime pas les choses trop sophistiquées […] », précise-t-elle.

Le temps de préparer deux bassines de confiture, Isabelle s’anime et partage sa passion. Rencontre avec une confiturière aux valeurs terriennes bien vivantes.

Des fruits, du sucre, des plantes, des épices, c’est tout !

Fière de ses recettes saines, cuites avec du sucre, sans ajout de pectine ou de gélifiant, Isabelle propose une trentaine de confitures 100% naturelles, réalisées avec des fruits frais non abîmés, arrivés à maturité et cultivés dans des conditions favorables.

Les agrumes d’Italie, de Sicile ou de Corse sont sélectionnés avec soin, et les pêches, abricots et melons viennent chaque année directement de la Drôme, sans oublier les fruits rouges, la rhubarbe et les lentilles, 100% picards, qui font son originalité, à l’instar de sa crème de lentilles à la fève Tonka devenue une recette-phare, remplaçant la crème de marrons !


Ses clients, Isabelle les conquiert grâce au seul goût de ses préparations : « […] ils goûtent et retrouvent la saveur du fruit, c’est tout […] » raconte-t-elle, expliquant comment hôtels haut de gamme, épiciers, fromagers, traiteurs, boulangers, et boutiques privilégiant les circuits courts lui ont fait confiance et l’épaulent dans sa démarche, ses recettes à leur table ou dans leurs rayons : « […] je vais aussi vers des personnes qui partagent les mêmes valeurs que moi […] », précise celle qui livre elle-même sa production.

Car au-delà des saveurs de ses confitures, il y a le goût des autres et des belles histoires, pour faire vivre son territoire à travers son activité, soucieuse de créer du lien social : « […] je trouve qu’on vit dans un superbe cadre, et j’aimerais voir encore plus de vie dans le village, et du partage, c’est tellement important de nos jours […] » dit-elle en ensachant la cannelle, l’air rêveur.

Un atelier pour renouer avec l’essentiel

Rééduquer les palais standardisés par des décennies de produits de grande consommation, Isabelle adore ça, et c’est même un peu ce qui la guide chaque jour, avec le sourire et l’envie de faire goûter ses préparations… « […] quand on me dit : c’est délicieux, j’ai tout gagné ! […] », indique-t-elle.

Si son pittoresque village dévoile assez facilement ses trésors le temps d’emprunter le GR225, il faut faire preuve de curiosité pour localiser l’atelier d’Isabelle, à quelques pas des champs et du sentier de grande randonnée, au bout de la rue Neuve.


Ici, passé le portail, pas de nappe à carreaux ni de tablier à fleurs, mais un local avec de grandes baies vitrées, des plans en inox, et de belles bassines en cuivre, prêtes à recevoir fruits, sucre, plantes et épices, le tout surplombant un ravissant jardin, et une maison traditionnelle picarde, restaurée par Isabelle et son époux.

Celle qui s’avoue heureuse quand un client s’extasie après avoir goûté une cuillère de confiture de fraises sait ce qu’elle veut, et surtout, ce qu’elle ne veut pas, notamment à l’heure du « tout artisanal » : « […] artisanal, ça veut dire quoi ? Aujourd’hui, ce mot est un peu galvaudé, et récupéré par des artisans qui n’en sont pas, loin des représentations des consommateurs, qui s’imaginent que tous travaillent à la main, ce qui est loin d’être le cas », place-t-elle, un peu critique, avant de regretter voir souvent le public « trompé ».

Et quand on l’interroge sur sa vision du métier, Isabelle se laisse aller à quelques confidences…

Être artisan et privilégier la qualité

Oui, elle croit encore à l’artisanat, à celui qui respecte autant les hommes que la terre, synonyme d’essentiel, notion chère à ses yeux : « […] je n’ai pas d’autre objectif que de préserver le goût du fruit […] ».

Au fil de la discussion, alors que les fruits ont été découpés, pressés, de fines écorces blanchies, on parle environnement, saisonnalité, gastronomie. Omniprésent, le contact avec la nature reste le discret fil conducteur de ses journées, entre balade ou cueillette des épines noires et des mûres à la toute fin de l’été…pour agrémenter de subtiles recettes !

Qu’elle épluche des pommes ou équeute des fraises, Isabelle garde un œil sur sa campagne, les saisons défilant de manière immuable, rassurante, apaisante, y trouvant aussi son équilibre.

Ses fournisseurs, qu’ils soient herboristes, producteurs, apiculteurs, brasseurs, locaux pour la plupart, font ainsi partie de son aventure, la conseillant sur telle association de saveurs, sur telle nouveauté, sur cette spécificité… « […] cet échange est inspirant et c’est important d’être sur la même longueur d’onde […] ».

On comprend vite que pour la confiturière, l’artisanat n’est pas une posture, mais bien un mode de vie, avec la volonté de bien faire les choses, d’abord.


Et n’allez pas lui parler de rentabilité ou de productivité ! « […] Pour moi, l’artisan est lié à l’humain. Être artisan, c’est produire en petites quantités, sans dénaturer le produit, avec une qualité irréprochable […], le reste passe en second » précise-t-elle, ne manquant pas de citer Christine Ferber, « la reine des confitures », son modèle, car « toujours présente dans son petit atelier de confitures en Alsace, avec sa famille » …en toute simplicité, aurait-elle pu ajouter.

Engagée dans une production à l’échelle de l’homme, Isabelle garde son cap, sans faire de compromis sur la traçabilité des matières premières ou la réalisation de ses recettes : « […] il y a une symbiose entre les produits sélectionnés, mes fournisseurs, leur état d’esprit et ma manière de faire : on travaille ensemble, c’est un tout […] » dit-elle, alors qu’elle pèse le sucre avant de le déverser dans une bassine en cuivre.

« Garder la mesure de toute chose, rester humain »

Enfant, autour de la cuisinière, là-haut dans le Nord, il y avait Thérèse, dite « mémé », et Marie-Thérèse, sa maman, qui suit encore aujourd’hui la progression de sa fille avec attention.

Ensemble, elles préparaient la tarte au Libouli, grand classique du Nord-Pas-de-Calais, pourtant peu connu : « […] c’est très simple, avec une pâte briochée, une préparation proche de celle du flan et des pruneaux […] c’est très bon […] ».


Dès lors, on comprend mieux le pourquoi du comment d’Isabelle, son goût pour la simplicité des préparations mettant en valeur le produit, comme dans ses confitures, goûteuses et équilibrées…à l’opposé de certaines préparations d’entremets pâtissiers, qu’elle dut pourtant mettre en œuvre lors de son CAP, mais dont la réalisation ne lui apportait aucun plaisir, au contraire : « […] cela me dérangeait quand je voyais tous ces colorants, ces additifs […] ».

De ces expériences plus ou moins en phase avec sa vision de la nutrition, Isabelle en a fait sa force, allant à l’essentiel, refusant les artifices. Aux mousses, elle préfère les tartes un peu rustiques et les desserts réconfortants, les scones, les brioches et les cakes. Et souvent, quand ses clients retrouvent « le vrai goût de la fraise » et l’interrogent sur ses méthodes de travail, la cuillère à peine posée, elle jubile de leur livrer quelques secrets…

Convaincue que le public reste curieux, mais que des décennies d’industrie ont fait du mal, Isabelle joue les pédagogues sur les salons et autres marchés fermiers, prêchant la bonne parole, qu’elle fait renaître comme une réminiscence : « […] beaucoup ont oublié le vrai goût des choses […], c’est un bonheur de leur faire redécouvrir […] ».

Mettre en pots les idées reçues !

Quand je quitte Isabelle, la confiture repose, après la pré-cuisson, le temps d’une journée. Demain matin, elle relancera le feu sous les bassines, pour une ultime chauffe, avant de mettre en pot cette savoureuse préparation d’orange, de banane, de cannelle de Ceylan et de rhum.

Isabelle me raccompagne et m’entraîne vers l’extérieur, devant les ifs et sa jolie façade en briques du pays, pour m’annoncer qu’elle prévoit d’ouvrir un salon de thé, lieu d’échange, de créativité et de rencontre, en face de son atelier.

La confiture, ce n’est pas juste une affaire de savoir-faire et de vieilles mamies : « […] j’ai envie de proposer des expériences de dégustation, d’inviter des intervenants en théâtre, en écriture…[…] pour initier un vent nouveau et sortir des sentiers battus […] ».

Pour l’heure, elle file donc mettre un dernier coup de pinceau aux finitions, soignant comme toujours les détails, promesses de merveilleux moments, simples et naturels.


Article écrit par Céline Weissier

Envie de se faire tirer le portrait par ma plume ? C’est ici qu’on prend contact 🙂

…et rencontrez Isabelle !

L’Autre Saison – Isabelle Gicquel

Atelier de confitures artisanales & Salon de thé

26 rue Neuve

Silly-Tillard, Oise, France

06 17 81 15 41

contact@lautre-saison.fr